Culture et haute technologie

Réalité virtuelle et culture partagée 

La réalité virtuelle (sigle commun VR, pour Virtual Reality) est une technologie nouvelle en pleine expansion. Elle donne une image immersive du réel, en 3D et à 360°, permettant de représenter objets, personnages, paysages, actions… Son usage le plus simple est rendu possible grâce à des casques individuels son et image qui plongent l’utilisateur au centre du monde qui est filmé. Des technologies plus sophistiquées permettent des interactions diverses et ouvrent les perspectives du projet.

En lien avec les compagnies BlonBa (théâtre, Mali) et Copier-Coller (danse, Mali) la startup We’re Solutions (informatique, Mali), l’EM FEST (Festival culturel Essonne-Mali, France), le Théâtre de l’Arlequin (Morsang-sur-Orge, 91, France) et l’association Promotion des arts au Mali qui en assure le pilotage administratif, Culture en partage et le collectif BKE (audiovisuel, France)  ont engagé la production de modules VR destinés à populariser la culture vivante et le patrimoine culturel de l’Afrique. Ces modules ont vocation à accompagner les différentes activités de Culture en partage et de les populariser, tout en développant l’usage des technologies de pointe.

 

Production de contenus locaux

Les équipes de Culture en partage et BKE ont commencé la réalisation de deux programmes de VR :

  • MUSEE INITIATIQUE, un musée virtuel de la transmission, collection de témoignages en situation sur le patrimoine culturel africain, notamment celui que portent les grandes confréries initiatiques et la transmission orale.
  • CONFIDANSES, portraits de danseurs et de danseuses de la nouvelle génération de l’art chorégraphique.

Culture en partage s’appuiera sur ces projets et fera de ces contenus des vecteurs de sensibilisation à la culture, notamment en direction de la jeunesse. Ces contenus seront pensés et réalisé pour pouvoir être également mis à disposition des publics internationaux afin de les familiariser avec les cultures de l’Afrique. Ils sont les premiers pas d’une potentielle révolution dans l’accès à l’art  et aux cultures africaines. Le puissant attrait de cette technologie en fait un exceptionnel outil d’appropriation par tous de la culture vivante et du patrimoine.

 

 

1er PROGRAMME – LE MUSEE INITIATIQUE

Un musée virtuel de la transmission

 

Pensées africaines : un patrimoine immense et menacé

 Le patrimoine de savoir, de culture, de spiritualité propres à l’Afrique est principalement porté par des confréries initiatiques qui transmettent ce riche héritage à travers des enseignements, des pratiques et des rites de haute portée. Délégitimés par la domination coloniale, fragilisés par la modification des modes de vie, victimes de ruptures intergénérationnelles, structurés autour d’initiations où le secret tient une place importante, ces savoirs et les pratiques qui les font vivre sont menacés. Comment les préserver de l’engloutissement ?

Révolution muséale : entrer dans les bois sacrés devient possible

Appliquée à l’Afrique, la muséographie à l’occidentale souffre d’un double handicap. Plane sur elle l’ombre d’un cambriolage à grande échelle, la captation forcée de la majorité des objets remarquables d’autrefois. Et l’Occident impose au passé de l’Afrique son regard, sa conception du rapport à l’histoire, qui en tordent gravement la perception. Le Musée Initiatique abritera des objets culturels à la fois antiques et vivants, leurs chuchotements, leurs proférations, leurs lieux secrets, leurs manifestations souvent spectaculaires…

Il repose sur une technologie nouvelle et prenante : la réalité virtuelle. Grâce à un casque de visionnage, le spectateur se trouve immergé à 360° et en 3D dans l’univers qui a été filmé. Il a le sentiment d’y être, d’en être. Il peut ainsi entrouvrir sans sacrilège la signification des chants, des mots, des rites, des objets qui servent à la transmission des valeurs et des savoirs portés par les grandes confréries. Leurs qualités plastiques, littéraires, musicales, philosophiques, spirituelles sont restituées dans leur vitalité même. Et l’expérience montre l’intense curiosité que provoquent ces invitations novatrices à se cultiver. Pour la jeunesse urbaine d’Afrique, cette porte ouverte sur un monde qui leur est à la fois intime et lointain est une expérience d’une exceptionnelle puissance intellectuelle, émotionnelle. Pour tous les autres, elle ouvre sur une vraie conversation culturelle que la muséographie classique peine à populariser.

 

Pour commencer

CINQ SOCIETES INITIATIQUES REMARQUABLES

Pour commencer à constituer sa collection, le Musée Initiatique a sélectionné cinq sociétés initiatiques remarquables : dans le Manden les Korè dugaw, les Donsow et le Komo ; sur les côtes du Golfe de Guinée le Vodùn ; dans le pays bassa (Cameroun) le Mbok. Cette sélection a des raisons de fond : l’importance civilisationnelle et la vitalité préservée de ces confréries. Elle a aussi des raisons d’opportunité, en fonction des contacts et des réseaux que le projet a commencé à mettre en place au Mali, au Bénin et au Cameroun.

 

 

DONSO

Les donsow sont une confrérie initiatique qui existe depuis des siècles dans le Manden et qui a joué un rôle déterminant dans la fondation du Mali classique, au XIIIe siècle. Ils ont inspiré et transmis les grandes règles de la vie commune édictées lors du congrès de Kurukanfuga réuni par Sunjata Keïta en 1236 pour établir la concorde dans l’immense espace politique du Mali classique. Ils portent un patrimoine multiforme : littéraire, philosophique, politique, musical, cultuel, écologique… « Donso » est souvent traduit en français par « chasseur », une interprétation liée à leurs pratiques et à leurs connaissances cynégétiques, mais qui est très réductrice par rapport à l’importance de leur rôle social.

 

 KOMO

Le Komo est une société initiatique bamanan et maninka dans laquelle, à la sortie de l’enfance, les jeunes hommes sont initiés à leur rôle d’adultes. Cette initiation crée un lien fort entre les initiés de tous âges, lien qui se renouvelle à l’occasion de cérémonies, notamment la sortie annuelle du masque du Komo, procession nocturne à laquelle seuls les initiés peuvent participer et qui est protégée des indiscrets par de sévères interdits.

MBOK

Le Mbok est une institution centrale de l’organisation sociale en pays bassa (Cameroun). Ses initiations peuvent se poursuivre durant des dizaines d’années, transmettant un corpus de connaissances de tous ordres. Les conseils des grands initiés – les mbomboks – sont sollicités à l’occasion d’accidents de la vie sociale. Le Mbok dispose d’un lieu de culte prestigieux, la grotte de Ngog-Lituba. Avec l’autorité lignagière, autre pilier de l’organisation sociale des Bassa, le Mbok constitue une forme très originale et instructive d’organisation politique non-étatique.

 

VODÙN

Le Vodùn (vaudou) désigne des pratiques initiatiques et cultuelles répandues au Bénin et sur la côte occidentale du golfe de Guinée, mais aussi dans les Antilles et dans les Amériques où les captifs déportés d’Afrique les ont acclimatées. Il est de ce fait le plus connu des cultes panthéistes (animistes) qui célèbrent les univers de pensée produits par les civilisations africaines : toutes les réalités de l’univers portent une étincelle divine, l’harmonie entre elles est un impératif éthique et philosophique, qui aboutit souvent à des préceptes pleins d’enseignements écologiques.

 

KORE DUGA

Le Korè est une des grandes confréries initiatiques du pays bamanan. Ses pratiques exigeantes et sa pensée profonde qui nécessitent un engagement à long terme pèsent aujourd’hui sur sa survie. Une de ses manifestations publiques, très spectaculaire, reste néanmoins vivante. Les adeptes du Korè, les korè dugaw, organisent à l’occasion des processions burlesques dans l’espace public, vêtus d’accoutrements d’une imagination débordante. Ils y brocardent par leurs clowneries les dysfonctionnement de la vie sociale ou des relations humaines. Dans ces moments, la satire n’a pas de limite et la pudeur est mise entre parenthèse.

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UNE INITIATIVE DE LA SOCIETE CIVILE

Premières expériences convaincantes

Le Musée Initiatique est une initiative du réseau Culture en partage qui réunit des jeunes équipes engagées dans la vie culturelle et les nouvelles technologies. L’idée est née d’une première expérience : la réalisation de trois portraits d’artistes en réalité virtuelle, les danseurs Souleymane Sanogo et Modibo Konaté, la danseuse et chorégraphe Fatoumata Bagayoko. Montrés au Mali et en France (Maison des solutions et Cercle culturel germano malien à Bamako, Essonne Mali Festival et 360° Film Festival en France), ces documents ont produit un vif effet de curiosité et de découverte. Ils ont notamment conduit de nombreux jeunes à s’intéresser à la danse contemporaine, une pratique qui leur était souvent lointaine. Ces expériences se sont faites en partenariat avec le collectif BKE (Essonne, France), producteur audiovisuel spécialisé dans la VR.

 

 

Des opportunités

 

Ces premières expériences encourageantes rencontrent aujourd’hui des opportunités favorables :

  • La mise à l’ordre du jour d’une réflexion critique sur la conservation des objets remarquables du patrimoine africain suite au rapport de Felwine Sarr et de Bénédicte Savoy sur la restitution des œuvres enlevées durant la période coloniale, rapport commandé par la présidence de la République française.
  • Le réseau international dans lequel s’inscrit Culture en partage, avec des points d’appui au Congo RDC, en Centrafrique, au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Cameroun. Dans ce dernier pays, Culture en partage est en lien avec l’Académie initiatique des savoirs différenciés mise en place par le Festival international de Bogso-Eséka.
  • L’engagement du Cercle Culturel Germano-Malien de Bamako, qui a annoncé sa volonté de participer à la production des modules VR du Musée Initiatique et à faire de son siège un espace de consultation permanent.
  • L’intérêt manifesté par le Conseil Départemental de l’Essonne, très engagé dans la coopération culturelle avec le Mali.
  • Le travail photographique de Dany Leriche et Jean-Michel Fickinger sur les donsow et les korè dugaw, qui s’est traduit par une impressionnante exposition (les portraits proposés dans cette rubrique), un livre à paraître, mais aussi la mise en place d’un solide réseau d’experts locaux.

 

Première série de films VR : les korè dugaw

 On a choisi la confrérie du Korè (Mali) pour commencer le tournage et le montage des premiers éléments VR du Musée initiatique. Le caractère très visuel et spectaculaire de leurs manifestations publiques en est une des raisons. Il aidera à convaincre de l’intérêt du concept. Mais la sortie d’un livre important qui leur est consacré par les photographes Dany Leriche et Jean-Michel Fickinger crée un environnement propice et les liens noués à l’occasion avec de nombreux initiés et des experts locaux facilitent l’organisation de tournages, qui demandent par définition une approche délicate. 

Un musée délocalisé

Par sa nature même, le Musée initiatique peut-être simultanément disponible dans toutes les parties du monde. La seule contrainte est l’accès à un parc de casques de visionnage adapté et éventuellement des lieux de consultation fixes et identifiés.

Deux premiers lieux de consultation vont être mis en place à Bamako, à la Maison des solutions qui abrite le réseau Culture en partage (quartier Baco-Djikoroni-Golf) et au Cercle culturel germano-malien (quartier Magnanbougou – Faso Kanu). Un autre est déjà en place au théâtre de l’Arlequin, à Morsang-sur-Orge (Essonne, France), institution confiée à la compagnie BlonBa, membre du réseau Culture en partage.

En perspective, les modules peuvent être mis à disposition de n’importe quel centre de documentation (médiathèques, bibliothèques scolaires et universitaires, musées, organismes spécialisés, etc.) Des Musées initiatiques mobiles peuvent facilement être mis en circulation. Grâce à l’éditeur numérique malien BiBook, un autre membre du réseau Culture en partage, les modules pourront être diffusés et acquis par toute personne dans le monde disposant d’un casque VR.

Une porte ouverte sur la connaissance de soi et le partage sans spoliation des richesses culturelles.

Le viol des imaginaires africains par la conquête et la longue occupation étrangère a en Afrique de lourds effets sur l’image de soi et les capacités de reconstruction autonome des sociétés africaines. En Europe, l’impensé qui l’entoure entrave la construction d’une relation confiante, apaisée, égalitaire avec l’Afrique. Le Musée Initiatique habitue les uns et les autres aux bienfaits du partage, au souci de préserver la mémoire, à la réparation d’une lourde injustice. Partout où ce Musée virtuel fera étape, au Nord comme au Sud, les cultures africaines y retrouveront leur place indispensable dans la conversation culturelle d’un monde désormais pluriel.

 

 

Contacts

 Lévis Togo, délégué général Culture en partage, +223 74 49 89 29 – levistogo91@yahoo.fr

Jean-Louis Sagot-Duvauroux, chef de projet, +33 6 76 68 34 81 – + 223 79 39 48 79 – jlsd@club-internet.fr

 

 

 

2nd PROGRAMME : CONFIDANSES

Le concept de CONFIDANSES est fondé sur la réalisation et l’usage de modules VR consacrés à des autoportraits d’artistes chorégraphiques. L’idée est d’utiliser l’impression d’extrême proximité que permet la technologie de la réalité virtuelle pour réaliser une sorte de confidence

  • par des mots adressés de façon très intime, très proche au spectateur ou à la spectatrice ;
  • par des moments de danse dans le champ immersif à 360°
  • par une plongée dans des éléments significatifs des environnements naturels et sociaux qui ont inspiré leurs choix artistiques.

C’est un usage de la réalité virtuelle qui est un peu à rebours des scènes spectaculaires habituellement présentées dans cette technologie, mais qui est pourtant très approprié. En réalité virtuelle, le regard de l’artiste, sa voix chuchotée à l’oreille, la proximité de son corps en mouvement produisent un puissant effet d’intimité. Le spectateur ou la spectatrice en devient virtuellement le confident et pénètre dans le cœur de ce qui a déterminé sa vocation et son art. L’éloignement entre un art sacralisé par les lumières de la scène et les spectateurs du « commun », surtout s’ils appartiennent à des couches sociales peu initiées à ces pratiques culturelles, est à ce moment rompu.

 

Une porte ouverte sur l’art de la danse

Ces modules de 4 à 6 mn sont conçus et réalisés pour être en soi des objets de qualité au service de l’art des danseuses et danseurs concernés. Ils peuvent être consultés pour eux-mêmes et constituer à terme une choréothèque à disposition des institutions concernées.

Mais Culture en partage essaie autant que possible de les faire vivre dans des performances ouvrant sur le spectacle vivant et les œuvres dansées par les artistes impliqués dans le programme CONFIDANSES. La curiosité spontanée (des jeunes notamment) pour la technologie VR est le vecteur de cette ouverture à la danse.

 

Un programme déjà engagé

Le projet CONFIDANSES a déjà de belles réalisations à son actif.

Le tournage des premiers modules s’est déroulé en fin juillet à Bamako (Fatoumata Bagayoko, Modibo Konaté, Souleymane Sanogo). Déjà plusieurs expériences d’action artistique autour de ces modules ont été mis en oeuvre dans le département français de l’Essonne avec un lycée professionnel et avec un service municipal de la jeunesse. Leur succès a dépassé les espérances. Présentés au Mali à la Maison des Solutions et au Cercle culturel germano-malien, ils ont aussi été sélectionnés et présentés en France à l’Essonne Mali Festival et au 360° Film Festival.

« JE SUIS DONC JE DANSE » EN AFRIQUE

Le projet prend racine au Mali. Dans ses objectifs, la conversation entre les cultures est un élément fondateur, un lien de nature à participer à la construction d’une mondialité culturelle pacifique pour le XXIe siècle. CONFIDANSES a vocation à accompagner la création de spectacles de danse, au Mali tout d’abord, potentiellement ailleurs en Afrique et partout où le désir s’en fera sentir.